Les chansons de Ludovic Gourvennec

Septembre - Semaine 3 : 

Salut à toutes et à tous,

Quelle est la durée de vie artistique d’un ou d’une artiste ? Certain.e.s sortent un tube et disparaissent à tout jamais des esprits. Certain.e.s sortent un tube qui marque une époque et s’ancre dans la socioculture (« Voyage voyage » de Désireless, par exemple). Certain.e.s produisent abondamment à une époque, parfois sur une durée conséquente, et la source se tarit ensuite (il peut s’agir alors de faire vivre son fonds de commerce dans le temps). Et certain.e.s durent et parviennent à se renouveler. Mais dans quelle mesure la qualité initiale parvient-elle à se prolonger ? En fait, il n’y a pas de règle, pas de norme, et il faut appliquer la réflexion à chaque cas particulier. En définitive, de quelle façon un.e artiste passe à la postérité et à l’aune de quelle quantité et de quelle qualité de production ?

Je voudrais cette semaine évoquer Renaud, qui a fêté ses 70 ans le 11 mai 2022. Figure emblématique de la chanson française qu’il a vraiment marquée depuis les années 70, il a incarné une forme de création profondément ancrée socio-culturellement avec une plume stylistique magnifique : chanson sociale (« Deuxième génération », « La tire à Dédé », « Adieu minette », « P’tite conne »…), chanson engagée (« Société tu m’auras pas », « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue », « Hexagone », « Miss Maggie », « La médaille », « 500 connards sur la ligne de départ » …), chanson d’amour filial ou autre (« Morgane de toi », « Ma gonzesse », « En cloque »), langue miroir de la société, avec notamment l’inclusion du verlan (« Laisse béton », « Marche à l’ombre »), humour décalé ou vachard (« J’ai raté Télé-foot », « Etudiant poils aux dents », « It is not because you are »), virtuosité à la Boby Lapointe (« Tu vas au bal ? »), diction gouailleuse et accent parigot du poulbot dont il a joué avec l’image, distanciation lucide sur sa personnalité et ses faiblesses (« Docteur Renaud, Mister Renard »)… C’est vraiment un artiste majeur dont plusieurs tubes resteront à jamais emblématiques comme « Mistral gagnant », « Dès que le vent soufflera » ou « Manhattan Kaboul », par exemple. 
Renaud, en plus de créer abondamment, a également réalisé des albums de reprises, célébrant ainsi des artistes qu’il adorait (Brassens avec par exemple avec le très réussi « Je suis un voyou ») ou des chansons de milieux populaires (le nord de la France après avoir joué dans le film « Germinal »).

Mais les artistes sont aussi des individus, avec leurs failles, et Renaud semble en avoir de profondes, ayant généré depuis de nombreuses années des excès nombreux, des addictions diverses (tabac, alcool…) et de nombreuses phases de dépression, qui ont eu un impact majeur sur sa voix (et sans doute aussi sur sa capacité de création renouvelée). Cette voix ayant subi une altération vraiment importante, les albums publiés ces dernières années crissaient un peu/beaucoup dans les oreilles (plus durement que les cigales du sud où il réside désormais – L’Isle sur la Sorgue, près d’Avignon) – c’est d’ailleurs une impression étrange d’auditeur d’appréhender ainsi des voix qui changent (je pense aussi à celle de Barbara dans la dernière partie de son existence). Si on ajoute une certaine absence de discernement ou de recul, on tombe sur le pitoyable « Corona song » (2020) que j’ai tristement évoqué au moment de la pandémie :

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Mais Renaud vient de sortir dernièrement un nouvel album de reprises, dans lequel il célèbre de grands artistes et/ou de grands morceaux du répertoire français, avec une production absolument parfaite (arrangements, instrumentations, rythme…). Et cette création m’interroge beaucoup, notamment la voix et l’interprétation. Etant donné l’impact historique de Renaud évoqué plus haut, comment appréhender ces nouvelles chansons : en se disant que sa voix est catastrophique (et qu’à l’écoute, elle fagocite négativement un peu tout le reste) ou qu’elle est simplement l’expression d’un artiste avec ses failles, ayant évolué au fil du temps, et qu’elle peut donc toucher dans ses imperfections nombreuses… C’est pour nous, je trouve, une expérience de réception, donc d’auditeurs, assez unique.

Quelques exemples emblématiques, vraiment très bien orchestrés :    

« Le métèque » (1969) de Georges Moustaki : On a l’impression que le texte de la chanson de Moustaki colle bien à Renaud… Arrangements assez agressifs, toniques : 

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« La tendresse » (1963) de Bourvil : magnifique chanson ici aux arrangements orchestraux bienvenus et agréables. 

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« Nuit et brouillard » (1955) de Jean Ferrat / présence opportune de l’accordéon en sourdine :

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« L’amitié » (1963) de Françoise Hardy / A mon avis, une des plus belles chansons du monde, ici avec une orchestration symphonique : 

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« Si tu me payes un verre » (1975) : chanson de Serge Reggiani, ici dans le clip avec son ami Jean-Paul Rouve : 

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Bon week-end à tous et à toutes.