Les articles de Gérard Vigner - Le français parmi les autres langues
Une certaine tradition en matière d’enseignement du français, et des langues étrangères de façon plus générale, veut que la langue soit enseignée en elle-même, dans ses propriétés particulières, indépendamment des lieux d’enseignement et des compétences langagières déjà disponibles chez les apprenants. Or une langue ne s’apprend jamais seule. Elle s’apprend le plus souvent dans des lieux où s’apprennent d’autres langues. Cette langue peut encore prendre place dans des familles linguistiques déjà familières aux apprenants. Enfin elle s’acquiert par rapport à la langue d’origine de l’apprenant qui intervient comme filtre pour appréhender les particularités de la langue nouvelle. Tentons ainsi de sortir chaque langue de ce qu’elle croit être son splendide isolement pour la réintégrer dans son univers ordinaire de vie et d’apprentissage.
Dans son ouvrage L’Enseignement en classe bilingue Jean Duverger montre comment il est possible de mettre en place un enseignement de langue qui permette d’acquérir des savoirs, d’être un outil d’apprentissage, en usage, en tout ou partie, de l’enseignement d’une DNL (discipline non-linguistique), enseignement présent dans ce que l’on appelle les sections internationales, les sections européennes, sous l’appellation plaisante d’Emile (Enseignement d’une matière par intégration d’une langue étrangère). Après avoir passé en revue tous les bénéfices que l’élève peut tirer d’un tel type d’enseignement, Jean Duverger aborde le traitement didactique de tels apprentissages et l’articulation des langues dans le déroulement du cours. Appris au contact d’un savoir abordé dans la L1, le français révèle de la sorte de nouvelles potentialités.
Passons du bilinguisme au plurilinguisme. Une langue peut trouver sa place dans des environnements plus larges et être apprise, c’est le choix d’un moment, c’est le choix de certains apprenants, en se centrant sur les compétences réceptives. On privilégie l’intercompréhension dans des langues proches comme alternative aux approches communicatives, la comparaison inter-langue, le recours à la langue 1 permettant d’avancer dans le processus de compréhension. Les deux auteurs, Sandrine Caddeo et Marie-Christine Jamet, passent ainsi en revue les ressources et méthodes disponibles ; à l’écrit d’abord, mais aussi à l’oral et suggèrent des parcours pédagogiques et font l’inventaire des nombreuses ressources pédagogiques fondées notamment sur les parentés à l’intérieur de familles de langues, présentes en Europe, dont les langues romanes. Autrement dit, une autre entrée dans les langues pour lesquelles le lien qui les unissent constitue une ressource majeure d’apprentissage.
On sait que l’histoire et la géopolitique ont introduit entre les langues une hiérarchie, langues centrales, langues majeures, et les autres, ignorées, parce que venues du plus lointain, et non présentes dans le curriculum scolaire traditionnel. Dominique Levet, Elena Soare, Anne Zribi-Hertz ont voulu rompre avec cette tradition en s’adressant aux publics de français langue seconde qui disposent d’une compétence initiale dans leur langue d’origine, point de départ obligé pour apprendre le français. L’ouvrage, Français et langues du monde : comparaison et apprentissage, est conçu de manière à aider les professeurs à mieux enseigner le français en se fondant sur une optique comparative qui fait prendre conscience que nombre des caractéristiques grammaticales du français sont loin d’être universelles. Une soixantaine de langues, dont de nombreuses langues en usage en Afrique et en Asie, sont ainsi mises en comparaison avec le français, en cinq chapitres, suivis de différentes propositions pédagogiques.