Les articles de Gérard Vigner - Contenus
L’étiquette « contenus » peut sembler paradoxale, dans son existence même, dans la mesure où une langue à apprendre/à enseigner se traduit tout d’abord en comportements langagiers, en capacités à échanger, et non par un contenu susceptible de se dissocier du contenant que serait la langue. Les choses sont plus complexes. Échanger tout d’abord, communiquer si l’on veut, ce n’est pas échanger entre locuteurs abstraits, mais moi, apprenant arrivant d’une autre langue, d’un autre espace social et culturel, dans ma singularité individuelle, je dois prendre place dans une relation particulière avec un locuteur au profil particulier, avec ses manières de dire, sa façon de s’adresser à moi et déjà, je prends place, si peu que ce soit, dans un environnement configuré par une autre logique culturelle. Mais une langue peut aussi me permettre de lire de la presse, de découvrir des œuvres littéraires, musicales, picturales, en version originale, et j’explore ainsi de nouveaux espaces de vies, de pensées, de sensibilité, distincts du mien : des contenus donc, terminologie un peu traditionnelle, il faut en convenir, mais qui rend bien compte quelque part, de cette autre dimension des apprentissages du français.
Quatre volumes de la collection F peuvent être rangés sous cette étiquette. La littérature en classe FLE : état des lieux et nouvelles perspectives, de J.M. Defays, A.R. Delbart, S. Hammami, F. Saenen, domaine qui pendant longtemps constitua une référence majeure dans les apprentissages du français, mais qui aujourd’hui, reste toujours présent, dans les attentes de certains publics et dans l’intérêt ainsi porté à l’apprentissage du français. Les formes d’approche ont évolué, les genres, les auteurs, les écoles. Les façons d’aborder les textes ont-elles-mêmes évolué et font que l’objet littérature est aujourd’hui différemment configuré. Ouvrage qui gagnera à être lu en parallèle avec celui d’Estelle Riquois, Lire et comprendre en français langue étrangère, dans la mesure où il propose des démarches utiles à qui veut aborder ce domaine si riche, et si complexe parfois, qu’est la littérature.
Ludovic Gourvennec dans son ouvrage Paroles et musique : le français par la chanson, nous propose d’explorer un autre domaine culturel, plus largement répandu que la littérature (encore que la frontière entre les deux domaines soient moins marquées qu’on ne le pense, de nombreux poèmes d’Aragon ont été mis en musique par exemple), le monde des médias et les réseaux associés, disposant d’une puissance de diffusion considérable. La chanson est en effet plus qu’une simple association au gré de l’inspiration du moment de quelques paroles accrochées à une ligne mélodique. Elle est un objet culturel hautement élaboré auquel sa plus large diffusion auprès de tous les publics n’enlève rien de sa qualité, ni de sa capacité à toucher, émouvoir ou réjouir tout un chacun. A ce titre la chanson a toute sa place dans les apprentissages du français, dont l’auteur, Ludovic Gourvennec explore toutes les facettes et toutes les possibilités d’exploitation dans la classe.
En proposant un ouvrage intitulé Enseigner la francophonie : Principes et usages, Fatima Chnane-Davin et Jean-Pierre Cuq explorent un autre univers, riche pourvoyeur de références culturelles, le monde francophone. La francophonie en effet n’est pas seulement un espace géographique où le français serait présent à différents niveaux et formes d’usage, c’est d’abord et aussi un espace culturel. Un espace à la rencontre d’autres mondes, le Maghreb, l’Afrique noire, l’Océan indien, les Antilles pour ne citer que quelques-uns des mondes les plus connus. Le français se trouve, par l’entremise de l’artiste, du créateur, au contact d’autres langues, d’autres sensibilités, d’autres exigences d’expression. Et de la sorte de cette fécondation naissent des gammes très variées d’œuvre qui ne peuvent qu’intéresser les publics du FLE, œuvres qui dans leur diversité sont les garantes de la vitalité du français et de ses cultures associées. L’ouvrage permet aux enseignants qui connaîtraient mal la francophonie d’en explorer toute la richesse pour la proposer à leurs publics.
Dans Le fait culturel en classe de langue, Evelyne Argaud pose de façon plus générale la question de la forme que peut revêtir l’approche d’une culture étrangère dans les enseignements d’aujourd’hui. Les publics ont changé, les sensibilités plus encore et ce que l’on appelait autrefois l’enseignement de la civilisation ne peut plus avoir cours. Après avoir réexaminé ce qu’a pu être et ce qu’est actuellement cet enseignement, Evelyne Argaud propose différentes approches des faits culturels, dans la diversité des sources et des documents susceptibles d’être exploités, de façon à bâtir selon la nature des matériaux des séquences appropriées. Ouvrage riche en de multiples perspectives qui aident à donner à cette notion au départ si incertaine de contenus toute sa consistance.
D’autres ouvrages à venir dans la collection F poursuivront l’exploration de cet au-delà de la langue, appréhendée dans son immédiateté communicationnelle, dans une recherche de permanences et d’autres formes d’organisation de l’imaginaire.