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Les chansons de Ludovic - Zaz

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Zaz (de son vrai nom Isabelle Geffroy) est l’incarnation de l’artiste qui a suivi une éducation musicale classique (solfège, école de musique, formations spécifiques) et qui a ensuite basculé dans une forme d’empirisme musical, de pratique de terrain en écumant les bars avec diverses formations, dans un style plutôt d’inspiration exotique (latino, reggae, tzigane…), ce qui l’a conduite à assurer les premières parties d’artistes comme Bernard Lavilliers ou Youri Buenaventura, ce qui donne une idée de l’ambiance. Mais ce qui est frappant chez elle, c’est sa voix si particulière, aux accents un peu rauques et très singuliers, qui contribue probablement à son originalité (que j’ai aussi pu constater en concert).

Ces épisodes lui ont donné une expérience pragmatique de la scène, en y alliant un engagement de type altermondialiste où la découverte des cultures fait partie de l’enrichissement personnel, collectif et musical. Le déclic vers le succès se produit sans doute au moment où elle remporte en 2009 un concours (dans les années 60, on disait télé-crochet) de France Bleu, qui va lui ouvrir l’avenir. Zaz enchaîne alors les productions, imprégnée des grandes influences de la chanson française comme Charles Aznavour, Joe Dassin ou Edith Piaf, à laquelle elle est souvent assimilée (une certaine gouaille, la chanson populaire qui semble dite dans la rue, des textes réalistes et bien écrits…). C’est une belle artiste d’aujourd’hui, présente mais pas envahissante, sensible mais pas larmoyante, authentique donc cohérente. Et qui est devenue (paradoxe ?), lors de la saison 2024-2025, jury dans l’émission de TF1 The Voice. Et, marque de fabrique, elle aime utiliser le kazoo, cet instrument à vent minimaliste qui envoie du bois !

« Je veux » (2010) : c’est la chanson qui la propulse sur le devant de la scène, avec cette thématique un peu naïve, mais qui est authentique, de la jeune fille qui dit que la vie l’intéresse plus que l’argent, la sincérité plus que les magouilles, la liberté plus que la routine, dans une dynamique très jazz manouche. Très beau succès initial.

« La fée » (2010) : sur ce même album figure ce beau titre écrit par Raphaël, qui l’a en quelque sorte prise sous son aile pour la propulser vers les lumières. Magnifique texte, presque surréaliste.

« On ira » (2013) : cette chanson figure sur le 2ème album de Zaz. Chanson très optimiste fondée sur l’énumération des partages fertiles et des destinations possibles à visiter pour être bien (un peu comme Pierre Perret l’avait fait dans « Mon p’tit loup » (1975)) mais ici dans un contexte moins négatif : on trouve par exemple : « Oh ! qu’elle est belle notre chance aux mille couleurs de l’être humain. »).

Live :

« Si jamais j’oublie » (2015) : c’est une très belle chanson en forme d’engagement moral lié au succès. Le « je », qui semble être clairement Zaz, demande à « tu » (qui est un.e ami.e mais aussi probablement le public) de l’avertir absolument si elle change et/ou si le succès lui fait perdre une forme de raison ou de bon sens. La création et l’interprétation doivent rester plus importantes que tout. Mélodie super chouette et arrangements progressifs très pertinents.

« Demain de bon matin » (2016) avec Boulevard des Airs : ce groupe est vraiment raccord avec son style et la collaboration est très cohérente. On retrouve dans le texte une forme d’intertextualité avec « Le déserteur » (1954) de Boris Vian.

« Animaux fragiles » (2022) avec Icare : texte très sensible sur les fragilités des individus et sur leurs relations.

« De couleurs vives » (2023) : super belle chanson sur la tolérance, dont le texte lie la féminité et le racisme (« Moi je veux vivre, rire, libre / Je suis une femme de couleurs vives et ça veut dire tout ça »), dans le clip ouvrant à d’autres problématiques interreliées. Magnifique chanson sur la féminité affirmée.

« Tout là-haut » (2023) : très belle chanson dans laquelle on peut se demander à quoi correspond ce « tout là-haut », entre verticalité mystique et horizontalité psychanalytique.