Les articles de Gérard Vigner - Enseigner le français à l'école
Enseigner le français comme langue étrangère , c’est adopter une démarche particulière d’apprentissage. Les apprenants vont être exposés à des formes et usages du français, à la différence des apprentissages en milieu naturel, sélectionnés tout à la fois sur leur fréquence d’usage et sur leur simplicité d’accès. Lieu de condensation des apprentissages, la classe doit permettre aux élèves, dans un temps relativement bref (150 heures pour A1 par exemple), d’accéder à un niveau de compétence qui, en apprentissage ordinaire en milieu naturel, demanderait un temps plus important et serait jalonné de tâtonnements, d’erreurs multiples, de retours en arrière, avec le risque bien connu de fossilisation de formes erronées ou de transferts inappropriés de formes issues de la L1. La classe, au sens large du terme, constitue ainsi un lieu et un moment d’apprentissage plus favorable à une appropriation organisée et efficace de la langue, ce qui n’exclut nullement des difficultés particulières pour les élèves de s’approprier des formes dont l’écart et la complexité, par rapport à celles en usage dans leur langue d’origine, sont particulièrement marqués.
Cette problématique-là est commune à l’ensemble des lieux d’apprentissage et des publics selon leur mode de regroupement. Nous voudrions cependant mettre ici l’accent sur les singularités de l’apprentissage du français à l’école. L’action du professeur y est en effet inscrite dans un ensemble de contraintes qui sont propres à cet univers d’enseignement :
- un apprentissage fondé sur des programmes communs à l’ensemble des établissements scolaires d’un pays (ou d’une région) donné(e), programmes que les professeurs doivent mettre en œuvre dans le cadre de ce que l’on appelle ordinairement les instructions ou les programmes officiel(e)s.
- l’existence d’autorités académiques, à différents niveaux, qui peuvent intervenir dans l’élaboration des parcours d’apprentissage, dans la définition des objectifs.
- un apprentissage extensif en séquences relativement brèves de 45 mn. chacune environ.
- une progression qui s’organise sur plusieurs années, celles du collège ou celles du lycée et qui appellent de la part des professeurs un travail permanent de concertation tel que les apprentissages se poursuivent dans une nécessaire continuité.
- un rythme contraint, dans le cadre d’une progression qui s’impose à tous, à partir notamment des catégories du CECRL (de A1 à B1)
- une évaluation dans les différents champs de compétence destinée à permettre aux élèves de se situer (et au professeur de situer sa démarche), mais encore de situer l’élève dans un parcours d’apprentissage lié aux exigences de l’établissement scolaire.
- des publics particuliers, ce que l’on appelle ordinairement des publics scolaires, soit des enfants se situant entre 5/6 ans et 10/11 ans ou/et des adolescents allant de 12 à 15/16 ans, voire un peu plus, qui dans tous les cas sont des êtres en plein développement et dont le niveau de compétence évolue avec l’âge, engageant ainsi ces publics sur des trajets d’apprentissage différents de ceux adoptés par les adultes.
- dans le même esprit, nécessité de gérer des publics hétérogènes, organiser des groupes de besoin sur une période donnée.
- une répartition des élèves en groupes-classes, de niveaux variés, selon des effectifs relativement importants. L’élève est exposé à des formes de langue sélectionnées sur des bases de fréquence et de complexité relative.
- un usage fréquent de dialogues construits, selon une logique d’échange qui est plus ou moins celle des usages ordinaires, mais échanges simplifiés destinés à présenter les formes de la langue sélectionnées dans les programmes (ou de documents d’incitation générateurs d’activités d’échange, de médiation).
- une nécessité constante de concilier visée communicative et travail d’acquisition linguistique.
- l’usage d’un manuel faisant l’objet d’une recommandation officielle, souvent associé à un guide pédagogique.
- un apprentissage inscrit dans une longue tradition scolaire (on enseigne à des degrés divers le français dans les établissements secondaires depuis le plus souvent la fin du XIXe siècle), enseignement qui évolue plus sous forme de « transformations silencieuses » que de ruptures nettes. Les facteurs de continuité y occupent ainsi une place non négligeable et doivent être pris en considération si l’on veut donner aux évolutions proposées toute la légitimité nécessaire.
A la souplesse, relative, qui peut être celle d’un enseignement s’adressant à des publics d’adultes et dispensés dans les lieux les plus variés (instituts culturels, alliances françaises, écoles de langues, départements universitaires, etc.), s’oppose ainsi un enseignement scolaire qui prend place dans un cadre institutionnel « lourd », lequel identifie des objectifs d’apprentissage et définit des normes de travail communes à l’ensemble des professeurs et publics d’élèves concernés. Le professeur de français doit donc concilier ce que peut être une politique générale de formation, celle de son pays, avec la situation particulière de ses élèves. Il doit prendre en compte un certain nombre de facteurs structurels (nombre d’élèves, diversité des niveaux, traditions d’enseignement), avec un souci d’innovation, pour répondre aux exigences du monde d’aujourd’hui, et ce dans le cadre d’un projet élaboré au niveau de chaque établissement.
A ces publics scolaires qui dans leurs pays apprennent le français comme LVE (élèves allemands qui apprennent le français en Allemagne, élèves italiens qui apprennent le français en Italie, etc.), nous ajouterons les publics d’élèves, souvent qualifiés d’enfants de migrants qui suivent leurs parents désireux de s’installer dans un pays francophone, plutôt du Nord (France, Suisse romande, Wallonie, Québec…). Ces élèves considérés comme allophones sont inscrits dans les écoles du pays d’arrivée/d’accueil pour y suivre la formation qui est celle définie par les programmes du pays considéré. Mais les particularités de ces logiques d’apprentissages seront abordées dans un autre chapitre.
La collection F, dans les formes adoptées que nous lui connaissons, traite, à des degrés divers, de ces différentes questions. Le professeur, à partir des analyses proposées ci-dessous, pourra disposer d’un appui complémentaire pour mieux répondre aux besoins de sa classe, pour développer un projet d’établissement plus cohérent, pour disposer de repères plus précis tels que les niveaux de compétence recherchés puissent être plus aisément atteints.
ORGANISATION D’UNE UNITE D’ENSEIGNEMENT
- Janine Courtillon, Elaborer un cours de FLE
- Evelyne Rosen, , Faire classe en FLE. Une approche actionnelle et pragmatique
- Belc, 50 ans d’expertise.( Chapitre : L’unité didactique)
Etablir une progression et bâtir des séquences constituent le point de départ d’une organisation destinée, en relation avec les programmes, à définir un parcours d’apprentissage qui préserve la continuité des apprentissages et s’adapte au profil de chacune des classes. Les deux ouvrages Elaborer un cours de FLE et Faire classe en FLE s’inscrivent dans cette même logique, selon une approche plus globalisante définie par Janine Courtillon. Elle permet aux professeurs d’aller à l’essentiel, sans rentrer d’emblée dans l’inventaire de variables trop nombreuses. Celui d’Evelyne Rosen, faisant directement écho à l’entrée de l’outil numérique dans les apprentissage, dans la suite du CECRL, permet de reprendre et d’approfondir les différentes composantes d’un parcours dont la complexité n’échappera à personne. Deux lectures nécessaires et complémentaires pour établir un programme annuel d’activités pertinent, organisé selon une progression qui prenne en compte l’ensemble des variables organisatrice de l’apprentissage scolaire (programmes, compétences visées, horaires, etc.). Le chapitre « L’unité didactique », extrait de l’ouvrage Le Belc. 50 ans d’expertise au service de l’enseignement du français dans le monde, complète ces différentes analyses.
ORGANISATION DE LA CLASSE
- Catherine David, Dominique Abry, Classe de FLE multiniveaux
Une classe est rarement constituée d’élèves dont le niveau serait homogène. Elle comprend souvent des élèves issus de classes différentes de l’établissement. Il appartient au professeur tout à la fois de traiter la classe comme un ensemble d’élèves partageant un même ensemble d’intérêts, l’effet de groupe l’emporte ici, mais aussi, avec des élèves issus d’horizons différents, apporter dans l’apprentissage des réponses appropriées aux niveaux de chacun. L’ouvrage de Catherine David et Dominique Abry apportent ici un certain nombre de réponses pratiques dans ce qui relève de l’organisation de la classe, sur la base d’une pédagogie différenciée.
L’ORAL
- Bertrand Lauret, Enseigner la prononciation du français
- Eliza Ravazzolo et alli, Interactions, dialogues, conversations
L’oral dans la classe de français doit être abordé selon deux niveaux d’approche. D’une part l’enseignement de la prononciation proprement dit, c’est-à-dire apprendre à prononcer les sons d’une langue à partir des particularités de sa langue propre (un élève italophone, un élève anglophone ne s’appuient pas sur une compétence initiale identique). Matière on le sait, difficile à enseigner. Mais la dimension prosodique devra aussi y trouver sa place. Rythme, accentuation, intonation sont autant de composantes de la mise en forme d’un univers sonore pertinent. L’ouvrage de Bertrand Lauret apporte des réponses très claires au professeur en ces différents domaines d’apprentissage.
Mais l’oral ce sont aussi des échanges entre locuteurs différents, selon des logiques qui pendant longtemps ont été ignorées. Or l’échange oral est aussi organisé que peut l’être un texte écrit. Un certain nombre de régularités discursives existent et organisent les dialogues qui sont proposés dans les outils d’apprentissage. L’ouvrage en question apportera au professeur les éclairages nécessaires qui permettront aux lèves d’avancer dans une logique d’échange qui fait sens dans un espace culturel donné. L’ouvrage Interactions, dialogues, conversations, en complément de l’ouvrage de Bertrand Lauret, permettra à l’enseignant d’aborder le domaine de l’oral dans ses différentes dimensions avec toute la sécurité nécessaire.
MAÎTRISE DE LA LANGUE, GRAMMAIRE
- Gérard Vigner, Systématisation et maîtrise de la langue
Une langue est un outil d’échange entre locuteurs, mais elle ne peut le devenir pleinement que si elle offre une sécurité d’usage qui évite confusions et malentendus. A cet effet, ce que l’on appelle la maîtrise de la langue constitue une composante importante des apprentissages. La maîtrise du système de la langue s’impose à tous, système nouveau pour les élèves, distinct de celui de leur langue d’origine, dans l’approche de la syntaxe, c’est-à-dire de l’agencement des éléments de la langue dans leur ordre et selon leur mode d’appariement, et dans celle de la morphologie, et notamment celle du verbe, particulièrement riche et complexe. Ce travail d’accès au système de la langue ne peut s’opérer, du moins initialement, sous forme de leçons de grammaire dont l’objectif serait de décrire la langue selon une démarche expositive. La didactique du FLE a su mettre en œuvre des approches qui aident les élèves à acquérir les automatismes liés à l’usage du français par le moyen d’une procédure bien connue, celle de l’exercice, procédure omniprésente (tout manuel de français, tout cours de français, comprend des répertoires d’exercices) mais qui n’a jamais fait l’objet d’une analyse qui en fasse apparaître les particularités. L’ouvrage aidera les professeurs à mieux situer les pratiques de systématisation proposées dans leur programmes, dans les manuels en usage, de façon à opérer les choix d’intervention les plus appropriés.
LES LIENS ENTRE LES LANGUES
- Sandrine Caddeo, Marie-Christine Jamet, L’intercompréhension
- Dominique Levet, Elena Soare, Anne Zribi-Hertz, Français et langues du monde. Comparaisons et apprentissages.
L’élève n’apprend pas les langues (maternelle et étrangère) selon des démarches qui seraient complètement dissociées. Un certain nombre d’aspects cognitifs sont communs à l’apprentissage de différentes langues. De même, les langues ainsi apprises ne sont pas stockées dans des espaces mémoriels distincts, mais prennent place dans un ensemble de référence partagées. Nous reviendrons sur ces questions dans un ouvrage à venir. Dans l’immédiat, considérons, sur un plan plus strictement descriptif et culturel, que nulle langue n’existe (sauf cas particulièrement rares) à l’état isolé. Toute langue prend place dans ce que l’on appelle une famille, c’est-à-dire un ensemble de langues qui disposent de propriétés communes. Ainsi de la famille des langues romanes, en Europe, qui permet à des élèves hispanophones ou italophones, de retrouver dans le français des propriétés partagées. Aider les élèves à comparer les langues entre elles peut favoriser leur assimilation. L’ouvrage de Sandrine Caddeo et Marie-Christine Jamet en regroupant les langues par familles fondent un apprentissage différents des langues qui ne nous intéresse pas directement ici, mais l’association des langues en familles permettra au professeur d’établir plus aisément des liens entre les langues. Les descriptions présentes dans l’ouvrage permettront de situer le français par rapport à d’autres langues, dans sa parenté ou dans son opposition.
L’ouvrage de Dominique Levet, Elena Soare et Anne Zribi-Hertz décrit les propriétés grammaticales du français par rapport à un très grand nombre d’autres langues dans le monde, propriétés communes ou fortement différenciées, c’est selon. Le français pour certains publics d’élèves peut ainsi être abordé en comparant, pour mieux avancer dans les apprentissages, les choix en usage dans leur langue d’origine à ceux qui se rapportent au système de la langue française.
ECRIRE
- Marie-Odile Hidden, Apprendre à rédiger en langue étrangère
L’apprentissage d’une langue comme le français, à l’école, ne peut faire l’économie d’un enseignement/apprentissage de l’écriture en langue étrangère. L’écrit, on le sait, est omniprésent à l’école, que ce soit dans l’enseignement de la langue de référence du pays (italien en Italie, allemand en Allemagne, etc.) comme dans les LE : une culture de l’écrit qui forme un tout à des niveaux différents de complexité et dans des visées spécifiques pour les LE. Le savoir-écrire sert à stabiliser les apprentissages, à en garder trace et à découvrir de nouveaux usages de la LE, comme nouvel acteur de la langue, dans sa dimension sociale ou culturelle. Apprentissage plus complexe qui s’opère selon différentes approches pédagogiques et qui requiert des modes d’évaluation appropriés. Ecrire dans une LE , c’est aussi se mettre en contraste par rapport aux usages en vigueur dans sa propre langue de référence. L’ouvrage de Marie-Odile Hidden passe en revue différentes approches pédagogiques dont le professeur de français à l’école saura tirer le meilleur profit.
LIRE
- Evelyne Riquois, Lire et comprendre en FLE
Le savoir-lire constitue tout à la fois une compétence d’accompagnement dans les apprentissages, en stabilisant certaines propriétés de la langue nouvellement apprises par un transfert de compétences d’une langue à l’autre, de même qu’il permet aux apprenants de devenir autonomes en dehors de la classe. Le savoir-lire en langue étrangère relève pour partie de processus spécifiques. Si le déchiffrage est acquis, les démarches de compréhension et d’interprétation doivent faire l’objet d’un travail spécifique. On trouvera dans cet ouvrage une série de propositions d’accompagnement dans les apprentissages de la lecture de façon à proposer des textes et des documents appropriés dans le cadre de séquences pédagogiques adaptées aux apprenants.
CONTENUS D’APPRENTISSAGE
- Jean-Marie Defays et alii, La littérature en classe de FLE
- Ludovic Gourvennec, Paroles et musique
- Evelyne Argaud, Le fait culturel en classe de FLE
- F. Chnane- Davin, J.P. Cuq, Enseigner la francophonie
Si une langue, selon les recommandations actuelles, notamment celles issues du CECRL, doit permettre à l’élève de devenir un acteur social dans un autre espace de communication, elle ouvre aussi sur d’autres univers de pensée, sur d’autres univers culturels inscrits dans des conventions distinctes de celles en usage dans la culture d’origine de l’élève. Quatre ouvrage de la collection peuvent ainsi offrir, dans l’immédiat, des références utiles pour le professeur, sous forme d’objets et de démarches qui donneront à l’enseignement du français une autre consistance. Si une LE permet d’entrer dans un autre espace de communication, cet espace est habité par des acteurs dont l’imaginaire organise différemment les façons de parler et d’échanger.
L’ouvrage d’Evelyne Argaud aidera le professeur à penser et organiser une approche du fait culturel dans les différents contextes d’apprentissage, l’école constituant un contexte spécifique dans lequel la dimension culturelle des apprentissages peut faire écho à celle qui prévaut dans les programmes en L1. L’ouvrage de J.M. Defays et alii aborde un objet bien connu des enseignants de FLE mais qui mérite un traitement spécifique selon l’orientation générale des programmes. Celui de Ludovic Gourvennec explore les ressources d’un genre particulièrement répandu et qui offre un autre moyen d’entrer dans le français. Celui de Fatima Chnane-Davin et Jean-Pierre Cuq élargit l’exploration de l’univers culturel au monde de la francophonie, bien au-delà de l’espace géographique proprement français.
On pourra enfin, pour compléter ce travail de lecture et d’analyse, écouter les podcasts enregistrés par nos différents auteurs, dans des échanges organisés par Ivan Kabacoff, de TV5 Monde :
https://podcasts.apple.com/fr/podcast/les-podcasts-de-la-collection-f/id...