Apprendre à rédiger en langue étrangère

L’apprentissage de la production écrite en langue seconde ou étrangère revêt des aspects spécifiques, du fait que la langue est moins bien maîtrisée et que les écrits sont culturellement marqués.
Dans les quelques réflexions qui suivent, nous allons aborder certaines questions que peuvent se poser les enseignants, formateurs ou auteurs de méthodes de FLE/FLS sur ce sujet.
À partir de quand enseigner à écrire en langue étrangère ou seconde ?
Tout dépend du public d’apprenants, de son niveau en français, de sa scolarisation antérieure et bien sûr de son âge. S’il s’agit d’élèves allophones inscrits dans une classe du premier degré dans une école en France (cas du FLS), il faut bien sûr faire la distinction entre les élèves qui savent déjà lire et écrire en langue maternelle et les autres. Pour ces derniers, leur entrée dans l’écrit est en effet conditionnée à une certaine maîtrise de l’oral.
En ce qui concerne les grands adolescents et les adultes lecteurs et scripteurs dans leur langue maternelle et souvent dans d’autres langues, le critère le plus important à prendre en compte est l’identification de leurs besoins : s’ils apprennent le français pour commencer ou continuer des études en France par exemple, ils auront besoin de maîtriser la compréhension et la production d’écrits complexes comme les écrits universitaires (articles et ouvrages scientifiques, mémoires, comptes rendus etc.).
Comment envisager l’enseignement de la rédaction en langue seconde ou étrangère ?
Dans certaines méthodologies d'enseigenement des langues (par exemple la méthode directe), les tâches d’écriture en langue étrangère ont avant tout pour objectif de vérifier les acquis grammaticaux et lexicaux travaillés à l’oral et ne font donc pas l’objet d’un apprentissage à part entière. Or, selon les recherches en psycholinguistique, les processus rédactionnels sont complexes et nécessitent un entrainement dédié et progressif. De plus, cet entrainement ne peut consister uniquement dans la rédaction de textes suivie d’une correction de la part de l’enseignant.
Quels liens entre les tâches de lecture et d’écriture ?
Lecture et écriture étant intrinsèquement liés, l’enseignant a tout intérêt à passer d’une activité à l’autre et vice versa. Il peut par exemple à la suite d’une tâche de compréhension écrite, faire observer certaines caractéristiques du document écrit afin que les apprenants puissent s’en inspirer lors de la rédaction d’un texte, ainsi la lecture aide l’écriture. On s'arrêtera notamment sur les procédés linguistiques assurant la cohésion textuelle, c’est-à-dire ceux qui relient les idées les unes aux autres :
- l’emploi des différents connecteurs logiques qui ne se comprend qu’au niveau textuel (et non dans des phrases isolées),
- les reprises anaphoriques (pronoms ou reprises nominales : répétitions ou reprises par un autre nom),
- ou encore la ponctuation et la répartition en paragraphes.
L’écriture peut aussi aider à mieux comprendre un texte en langue étrangère ou seconde, par exemple à travers des activités de reformulation : résumé ou explication de passages d’un texte. Ces tâches étant trop complexes pour les niveaux A, on les proposera aux apprenants des niveaux B et C.
Écriture individuelle ou à plusieurs ?
Dans la tradition scolaire, l’écriture est très souvent une activité individuelle. Pourtant, aussi bien dans le domaine professionnel qu’universitaire, il existe des situations où un document est rédigé à plusieurs (devoir ou exposé à faire en groupe ; compte rendu réalisé grâce aux apports de plusieurs personnes ou relu et modifié par une autre etc.). D’autre part, les TICE nous proposent des outils tels que les wikis qui facilitent la rédaction d’un même texte par plusieurs apprenants. Les apports de tâches d’écriture collaborative sont nombreux. Lorsqu’on observe des apprenants qui sont en train de rédiger un texte à plusieurs, on se rend compte que chacun apporte non seulement ses idées, mais encore ses connaissances et compétences en matière de formulation et de révision qui sont souvent complémentaires de celles des autres. De plus, quand ils écrivent en collaboration, les apprenants doivent souvent expliciter et justifier leurs différents choix auprès de leurs pairs et cette prise de distance favorise l’appropriation des compétences rédactionnelles.
Comment augmenter la motivation des apprenants ?
Certains apprenants peuvent éprouver des réticences à rédiger, même en langue maternelle et donc d’autant plus dans une langue qu’ils maîtrisent moins. Comment leur donner envie de rédiger en langue étrangère ? L’élaboration de la consigne de rédaction revêt une grande importance afin que l’apprenant n’ait pas l’impression qu’il écrit… simplement pour apprendre à écrire ou encore pour être évalué. Il s’agit donc d’élaborer une situation d’écriture plausible ou même réelle avec un ou des destinataires bien identifiés (et autres que l’enseignant) ainsi qu’un ou des objectif(s) : écrire pour donner son opinion (forum internet, site d’un quotidien), écrire pour partager des connaissances ou des goûts (wikipedia, blog personnel), écrire pour s’informer (mél ou lettre à un service administratif), écrire pour présenter sa candidature (lettre de motivation), etc.
Le choix de la thématique peut également être déterminant : on constate en effet que les apprenants se dépassent lorsque le sujet les intéresse ou leur tient à cœur. Enfin, grâce aux activités d’écriture créatives, les apprenants prennent confiance en eux, car ils se rendent compte qu’ils sont capables de rédiger en français dès le niveau débutant.
En bref
- L’écriture en langue étrangère ou seconde est une activité à part entière qui demande un entrainement systématique et progressif.
- Cet entrainement peut comprendre des activités d’observation, de reformulation, la rédaction de textes intermédiaires, etc.
- La rédaction en elle-même peut être une activité individuelle ou collaborative.
- Il importe d’élaborer des situations d’écriture plausibles ou même réelles.
Pour aller plus loin
- Les podcasts de la Collection F, #3 L'écrit en classe de FLE avec M-O Hidden. [lien]
- BARA S., BONVALLET A-M., RODIER C. (2011) : Écritures créatives, « Les outils malins du FLE, PUG.
- GARNIER S., SAVAGE A. D. (2011) : Rédiger un texte académique en français, Editions Ophrys.
- GOÏC. (2014) : « Enseigner la lecture-écriture aux élèves allophones : rapport à l’écrit, outils, pratiques, dans M. Leclère et J-P Narcy-Combes (dir.) Enseigner les langues aux enfants en contexte scolaire. Diversité des approches et outils d’enseignement, Riveneuve éditions, p. 129-159
- HIDDEN M-O (2013) : Pratiques d’écriture. Apprendre à rédiger en langue étrangère, « Collection F », Hachette Français langue étrangère.
- HIDDEN M-O, PORTINE H. (2020) : « Des pratiques collaboratives rédactionnelles en (français) langue étrangère à l’appropriation individuelle de l’écrit », Travaux de didactique du FLE n° 76 -2020. [En ligne]