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Les chansons de Ludovic - Feu! Chatterton

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Dans la longue tradition hexagonale qui fait cohabiter rock et poésie, rythmique électrique et recherche textuelle (Noir Désir, Bashung, Louise Attaque, etc.), Feu! Chatterton a repris ces dernières années ce noble flambeau. Ce groupe s’est vraiment manifesté par un bel album en 2015, Ici le jour (a tout enseveli). Boosté par les textes très expérimentaux et poétiques d’Arthur Teboul (dandy également au chant), largement influencé par les figures tutélaires poétiques de la chanson (Ferré, Brel), leur univers toujours très littéraire mêle les poètes maudits, les accents baudelairiens et les digressions surréalistes, le tout dans une ambiance musicale pop/rock voire électro. Il faut ajouter que ce rapport aux glorieux poètes s’est concrétisé en 2024 par l’interprétation de « L’affiche rouge », le poème de Louis Aragon mis en musique par Léo Ferré, au moment de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manoukian. Enfin, le groupe compose aussi des musiques de film, dont Un homme en fuite (2024) de Baptiste Debraux.

« Fou à lier » (2015) : avec cette chanson, dont le titre (au singulier) est le même que celui d’un morceau des Innocents en 1992, le groupe se révèle au grand public. C’est un morceau très pop et mélodique mais hanté par la voix spectrale et des paroles étranges qui octroient à l’ensemble une dimension inquiétante, où la psychologie angoissée l’emporte (« Je flotte dessus mes hantises / Dessus la peur d’être fou à lier »). Le clip, film d’animation magnifique (qui glisse de la discothèque vers Gauguin ou le Douanier Rousseau), ajoute ses touches imagées au mystère.

« Monde nouveau » (2021) : à l’instar de plusieurs autres chansons de cet album (« Cristaux liquides », « Ecran total »), est ici abordée la dialectique entre le passé (un peu idéalisé – en gros, un peu « c’était mieux avant ») et le présent (souvent angoissant), entre le monde d’avant et celui d’aujourd’hui, où la technologie risque de déshumaniser les rapports. Dans ce morceau, évocation décalée et poétique de la modernité des réseaux sociaux et des progrès inhérents pas si évidents (avec la référence parlante au « Est-ce ainsi que les hommes vivent » d’Aragon « C’était à n’y comprendre rien »).

« Compagnons » (2021) : chanson librement inspirée (et brillamment revisitée) de celle d’Yves Montant, « Compagnons des mauvais jours » (1947).

« Panthère » (2021) : magnifique ode amoureuse et langoureuse, épurée, presque comme une parenthèse, à la guitare sèche, très touchante et poétique, qui, si on l’écoute attentivement, mêle incroyablement et surréalistiquement les époques.

« Ecran total » (2022) : « Je me souviens mal du monde d’avant ». Chanson assez pessimiste renforcée par le clip, dans lequel l’acteur Denis Lavant joue le rôle d’un militaire étrange errant dans les rues de Paris.

« Allons voir » (2025) : sur le bel album « Labyrinthe » figure cette ode au départ, incitation à oser aller découvrir des territoires nouveaux, en se disant que le vent nous portera (« N’ayons peur de rien ».